Chiang Kai-chek avait compris qu’un affrontement direct avec les troupes japonaises ne tournerait pas à son avantage. Suivant l’avis de ses conseillers militaires allemands, il préféra consolider la défense du centre et de l’est de la Chine. Les Japonais hésitaient aussi à lancer une attaque afin de ne pas se déforcer dans le nord. Mais le sort en décida autrement et c’est à Changhai qu’une étincelle mit le feu à la poudrière.
Une stratégie d’endiguement
Le gros des troupes de Chiang Kai-chek était concentré au centre et au sud de la Chine. Chiang ne voulait pas se mesurer directement aux forces japonaises qu’il savait être de loin supérieures en nombre et en équipement.Conseillé par le général allemand von Falkenhausen et ses officiers, il préféra consolider ses positions dans les provinces de Jiangsu – où se trouvait sa capitale – et du Zhejiang – où se trouvait le poumon économique du pays.
Il se disait que les Japonais n’oseraient jamais s’attaquer aux intérêts occidentaux concentrés dans l’est de la Chine, mais les Allemands l’en dissuadèrent et lui conseillèrent plutôt de se protéger d’un mouvement nord-sud des troupes japonaises. Avec l’assistance de ceux-ci, il démarra en 1934 la construction d’une ligne de défense qui fut appelée la « Ligne Hindenburg chinoise » et se voulait être une série d’ouvrages de défense répartis selon deux lignes : la « Ligne de Wufu » reliant Suzhou à Fushan, et la « Ligne Xicheng », entre Wuxi et Jiangyin. Au printemps 1937, les lignes furent construites, mais l’entraînement des troupes n’était pas encore achevé.
A Changhai, selon les accords signés en 1932, les troupes chinoises ne pouvaient pénétrer dans la ville. Chiang fit cependant armer et entraîner les éléments des forces de police appelées « Corps de préservation de la paix » et qui avaient par traité l’autorisation de patrouiller dans la ville. Les opérations furent menées par son homme de confiance Zhang Zhizhong.
Ce que Chiang ignorait était que Zhang faisait partie des taupes que le régime soviétique avait implantées en Chine. Or Staline voulait impérativement écarter la menace de ses frontières et incitait ses taupes à passer à l’attaque afin de lancer le gros des troupes japonaises sur le centre de la Chine.
Zhang n’eut de cesse d’exhorter Chiang à profiter de la supériorité numérique de ses troupes autour de Changhai pour bouter les Japonais hors de la région.
Le Japon hésite
Ceux-ci ne n’avaient positionné qu’un détachement de 300 hommes des forces de débarquement de la Marine afin de surveiller les quartiers japonais de la ville. Le haut commandement japonais ne désirait pas déforcer ses troupes stationnées dans le nord de la Chine. D’autre part, ils hésitaient à attaquer les troupes de Chiang de peur de provoquer les quelques troupes occidentales stationnées dans le centre de la Chine.
Les Japonais voulaient cependant en finir avec cette guerre larvée et défaire les Chinois qu’ils savaient être en position d’infériorité. Le commandement de la Marine exhortait celui de l’Armée Impériale à positionner des troupes au centre de la Chine afin d’annihiler toute menace sur le nord.
La Marine avait installé son quartier général local dans un immeuble construit à coté d’une usine textile japonaise, au nord du Soochow creek (Suzhou river) et disposait de près de 80 bunkers et ouvrages de défense parsemés dans la zone japonaise de la Concession Internationale. D’autre part, les navires de sa Troisième Flotte patrouillaient régulièrement le Huangpu, gardant la ville dans le rayon de tir de ses canons.
L’étincelle qui mit le feu aux poudres
C’est dans une telle atmosphère délétère que survint ce qui fut retenu par l’histoire comme « l’incident Oyama ».
Le 9 Aout 1937, Isao Oyama, sous-lieutenant des forces de débarquement de la Marine japonaise, accompagné par son chauffeur le matelot Saito, pénétrèrent illégalement dans l’enceinte de l’aérodrome militaire de Hongqiao. Refusant de répondre aux injonctions de la sentinelle chinoise, celle-ci fit feu, tuant Oyama et blessant grièvement son chauffeur.
Certains auteurs ont prétendu que la réaction violente de la sentinelle avait été orchestrée par Zhang Zhizhong. La logique présentée par ces auteurs était qu’un affrontement entre les troupes de Chiang et les Japonais avait le mérite de détourner celles-ci de la lutte contre les insurgés communistes au centre du pays.
Le lendemain, le Consul Général du Japon désavoua publiquement la présence d’Oyama dans l’enceinte de l’aéroport, mais exigea le désarmement du « Corps de préservation de la paix » et fit comprendre aux autorités chinoises qu’on ne tuait pas impunément un soldat de l’Armée impériale……
Dès le lendemain, commencèrent les escarmouches entre la police chinoise et les troupes japonaises. Représentants chinois et japonais se rencontrèrent à Nankin… mais rien n’y fit et c’est ce que nous verrons dans un prochain article. Restez branchés…..
Extrait reproduit de la Gazette de Changhai 81 publiée par le Consulat Général de France à Shanghai-le 6 octobre 2014