France (Seine-Maritime) : Les tombes chinoises du cimetière de Saint-Sever

De Histoire de Chine

Cet article est une contribution du Souvenir Français de Chine. → Visitez le site du Souvenir Français

rédigé par David Maurizot et Paul Le Trévier

Aperçu général du cimetière[1]

Les travailleurs chinois sont les grands oubliés de la Première Guerre Mondiale. Pourtant 140000 gagnèrent la France, dont 96000 employés par l’armée britannique et regroupés dans le « Chinese Labour Corps ». 44 d’entre eux reposent au cimetière Saint-Sever situé dans la métropole de Rouen.

Le cimetière Saint-Sever, à cheval sur les communes de Petit-Quevilly et de Grand-Quevilly, abrite la plus grande nécropole britannique de France : près de 12000 tombes de soldats et travailleurs originaires de tout l’Empire britannique (Royaume-Uni, Afrique du Sud, Australie, Canada, Caraïbes, Inde, Nouvelle-Zélande, etc.).

Plan du cimetière. Les tombes des travailleurs chinois se trouvent au Block S1[2]

Le lieu a été retenu durant la Première Guerre Mondiale par l’armée britannique pour y enterrer les décédés de ses hôpitaux militaires installés à Rouen, Saint-Etienne-du-Rouvray et Bois-Guillaume. S’y ajoutent les tombes des soldats du Commonwealth morts dans la région rouennaise durant la Seconde Guerre Mondiale ainsi que celles des soldats canadiens blessés durant la tentative de débarquement allié à Dieppe le 19 août 1942 et décédés à l’Hôtel Dieu de Rouen. Le cimetière, concession britannique depuis 1921, est aujourd’hui soigneusement entretenu par les jardiniers de la Commonwealth War Graves Commission.

À Saint-Sever reposent donc également 44 travailleurs du Chinese Labour Corps britannique. A l'origine le cimetière avait réservé 49 emplacements donc cinq heureusement resteront inutilisés. Les dates des décès figurant sur les pierres tombales s’échelonnent d’août 1918 à février 1920 (à la fin de la Grande Guerre voire largement après).

On peut noter deux périodes principales (19 décès de septembre à novembre 1918, puis 11 décès de février à mars 1919) correspondant à la deuxième et à la troisième vagues de la grippe espagnole, représentant près de 70% des travailleurs chinois inhumés. Les autres décès survinrent par maladie (tuberculose) ou accident. En effet, courant 1919, les travailleurs, plus ou moins démobilisés, furent affectés au nettoyage des champs de bataille, ce qui était une tâche évidemment dangereuse. Nombre d’entre eux y furent blessés voire tués. On rapporte aussi le cas de bagarres parfois mortelles. Enfin, trois travailleurs inhumés en 1920 font partie des sept dernières tombes de la Grande Guerre.

Carte postale réalisée en 1917 par Julien t' Felt, dessinateur belge, représentant les travailleurs chinois sur les quais de Rouen. Probablement l'un de seuls visuels montrant les travailleurs à Rouen.[3]

On notera également que du fait d'erreurs de transcriptions, trois de ces travailleurs sont identifiés sous deux identités différentes (les noms dans la base de données de la Commission ne sont pas exactement les mêmes que ceux gravés sur les tombes).

À Saint-Sever les stèles des travailleurs chinois sont réalisées dans un marbre particulièrement blanc et au grain très fin, à la différence des autres pierres du cimetière qui sont, elles, taillées dans le fameux calcaire de Portland. Sur chacune, en plus du numéro de matricule, du nom en alphabet latin et de la date du décès, une épitaphe en chinois (de droite à gauche en caractères traditionnels : 鞠躬盡瘁[4]) et en anglais (Faithful until death) a été gravée.

Environ 2000 tombes du Chinese Labour Corps ont été recensées par la Commonwealth War Graves Commission. Avec ses 44 sépultures, le cimetière de Saint-Sever fait partie de la vingtaine de cimetières britanniques situés en France et en Belgique comportant plus de 10 tombes chinoises. Le cimetière de Noyelle-sur-mer dans la Somme, avec ses 843 tombes, est, quant à lui, la plus grande nécropole chinoise de France.

Références

Sources et notes

  1. © Yannick Maurizot.
  2. © Commonwealth War Graves Commission.
  3. © Collection Paul Le Trévier.
  4. En transcription pinyin : jū gōng jìn cuì, soit littéralement, se plier à une tâche et ne ménager aucun effort. En chinois, ces quatre caractères font partis de l'idiome 鞠躬盡瘁,死而後已 (jū gōng jìn cuì sǐ ér hòu yǐ) que l'on pourrait traduire ainsi : se vouer corps et âme à sa mission jusqu’au dernier soupir.
  5. © Yannick Maurizot.
  6. © Yannick Maurizot.
  7. © Collection Paul Le Trévier.