Le général Hubert de SEGUINS PAZZIS, un aristocrate non conformiste

Comte Hubert-Marie-Jean-Albert de SEGUINS PAZZIS, général de corps d’armée grand officier de la Légion d’honneur, croix de guerre 39-46, croix de la Valeur militaire, Silver Star (Etats-Unis), né à Orléans (Loiret) le 16 décembre 1913 (1), décédé à Paris VIIe le 19 décembre 1994, inhumé à Argenvières (Cher) le 23 décembre (2).

Comme son frère aîné, Hubert de SEGUINS PAZZIS fit ses études primaires à Montauban puis secondaires au collège Saint-Jean-de-Béthune de Versailles. Après les études préparatoires à l’Ecole Sainte-Geneviève à Versailles, il entra à l’Ecole spéciale militaire de Saint-Cyr, promotion Tafil-Alet (1931-1933) puis à l’Ecole d’application de la Cavalerie à Saumur, comme sous-lieutenant (1933) puis lieutenant (1935) au 1er bataillon de dragons portés.

Passionné de cheval, il se distinguera à cette époque par ses qualités équestres et gagnera plusieurs courses à Auteuil, ce qui lui vaudra de faire parti du club des gentlemen riders.

Au début de la guerre, il commandera brillamment un escadron de dragons portés (1939-1940), ce qui lui vaudra de recevoir la Légion d’honneur. Il sera muté comme instructeur à l’Ecole militaire de Saint-Cyr en octobre 1940 et sera promu capitaine en 1941.

En 1943, il s’évada de France par l’Espagne et rejoindra à Alger le 5e régiment de chasseurs d’Afrique. Commandant le 2e escadron de chars de ce régiment (1943-1945), Hubert de SEGUINS PAZZIS participa à tous les combats depuis le débarquement en Provence jusqu’au Rhin. Avec son régiment, il se distingua en Provence dans la prise de La Valette, puis, en Alsace, dans la libération de Rixheim et les combats de la Hardt. Il fut, les 28 et 29 novembre 1944, l’artisan qui permit avec ses chars aux fantassins du 1er RTM (régiment de tirailleurs marocains) d’établir la tête de pont sur la rive Est du canal de Huningue. Le premier jour, il fallut 5 heures pour parcourir les 3 Kms séparant Rixheim du pont d’appui de Pont du Bouc. Le 30 novembre, en voulant progresser dans la forêt de la Hardt pour élargir la tête de pont, il vit le char de tête de son peloton explosé sous le coup direct d’un Jagdpanther qui toucha le Soissons dans le réservoir, tuant sur le coup les cinq occupants. Une autre tentative de sa part, le lendemain, se solda par une nouvelle épreuve, les Allemands ayant consolidés leur dispositif par l’arrivée d’importants renforts ; il perdra un nouveau char, le Rochefort. Cette bataille tournera, le 3 décembre, à la tragédie pour les troupes françaises tenant la tête de pont. Encerclés, celles-ci luttèrent près de dix heures pour certains avant de pouvoir regagner les lignes françaises. Les fantassins, et surtout les tirailleurs marocains, payèrent le prix fort avec deux compagnies anéanties. La 6e compagnie du 21e RIC (régiment d’infanterie coloniale) fut réduite à 21 hommes sur 120 (3).

En janvier 1945, il entra comme stagiaire à l’Ecole d’Etat-major. Ayant demandé sa mutation dans l’infanterie coloniale, il sera affecté à l’Etat-major de la 3e D.B. du général LECLERC en Indochine, puis nommé conseiller économique du commissaire de la République au Laos, en avril 1946.

Chef du 3e bureau de la 2e demi-brigade coloniale de commandos parachutistes en 1948, il sera promu chef de bataillon (1949), détaché à la l’Etat-major permanent du président du Conseil des ministres.

Entre 1949 et 1954, il sera chef de corps du 4e bataillon colonial de commandos parachutistes au Sénégal.

Nommé au groupe opérationnel du Nord-Ouest du Tonkin, il rejoint, au début de 1954, le colonel (puis général) de CASTRIES qui défend la cuvette de Dien-Bien-Phu en Indochine, et qui le nommera chef de son propre Etat-major. Il sera l’un des quatre « seconds » du général et comme pour ce dernier, ses galons de lieutenant-colonel tombèrent du ciel en pleine bataille de Dien-Bien-Phu. En mars 1954, de CASTRIES, faisant preuve d’un optimisme partagé par les généraux NAVARRE (Cdt. en chef) et COGNY (Cdt. des forces terrestres), est prêt, alors que le camp ne devait être au départ qu’une base aéroterrestre, à soutenir avec ses 11.000 hommes l’attaque des forces Viet-Minh, ignorant qu’il va se retrouver face à 51.000 nommes commandés par le général GIAP, lesquels commençaient, le 13 mars, à bombarder la forteresse établie au milieu d’une plaine en forme de cuvette de 16 km de long sur 10 km de large. Le terrain d’aviation est visé en premier, rendant vain tout espoir de renfort par air.

Dans sa dernière lettre du 25 mars et adressée à son frère, il s’exprime ainsi :

« Tu dois te demander ce que je deviens dans cette citadelle assiégée dont on parle beaucoup en ce moment. Bien que n’aimant pas les grandes phrases sur de tels sujets, je dois dire que l’affaire est tout à fait sérieuse et que ceux qui arriveront à s’en sortir sans égratignures pourront brûler un cierge à Saint-Pierre. Bien entendu, je suis toujours du nombre des gens qui se portent à merveille malgré la ferraille que les Viets nous distribuent largement. La guerre ici a pris l’aspect d’une guerre européenne avec puissante artillerie de D.C.A., et tout et tout. La seule chose dont les Viets ne disposent pas, c’est de l’aviation. Mais ils rendent bien difficile le travail de la nôtre qui tombe parfois du ciel. Impossible de savoir ce que les prochains jours nous réservent. Les Viets n’aiment pas dévoiler leurs plans mais leurs préparatifs sont imposants et leurs stocks de riz et d’obus ne paraissent pas près de s’épuiser. Seul le dernier quart d’heure compte. Il faut encore attendre quelques rotations d’aiguilles avant de le voir apparaître au cadran. Mais je pense déjà à la joie qui sera la nôtre lorsque cette cuvette vouée aux travaux lents d’une population pacifique aura retrouvé le silence qu’elle aurait dû toujours connaître… »

Après 55 jours de résistance, il sera fait prisonnier lors de la reddition de la garnison, le 8 mai. Il subira les camps de rééducation où, à force de discussions, ce grand amateur de TEILHARD de CHARDIN finira par faire douter le commissaire politique chargé de l’endoctriner. Libéré après les accords de paix de la Conférence de Genève, il sera affecté au collège de l’OTAN puis au cabinet du secrétaire d’Etat aux Affaires tunisiennes et marocaines, avant d’être stagiaire à l’Ecole supérieure de guerre (1955-1958).

En août 1958, Hubert de SEGUINS PAZZIS arrivera en Algérie pour prendre, jusqu’en 1960, le commandement du 8e RPC (régiment de parachutistes coloniaux) à la suite du colonel FOURCADE (4). Entre temps, il sera promu colonel, en 1959. Dès son arrivée, il prendra clairement position contre les exactions et tortures pratiquées par certaines unités. Il s’adressera au régiment rassemblé : « Messieurs, ce matin un fellagha blessé a été tué, alors que l’accrochage était terminé. Cet homme aurait dû être soigné ; il aurait peut-être pu être sauvé. Ce qui pourrait se comprendre dans le feu de l’action, dans ces circonstances est un crime. Celui qui l’a abattu a déclaré avoir agi par pitié. Je veux le croire, mais je ne saurais accepter de tels comportements, quels que soient les motifs qui les inspirent. Une dernière fois, je vous rappelle que je n’admettrai jamais que de tels faits se reproduisent, tant que je serai votre chef, tant que je commanderai ce régiment. Chacun de nous est responsable, à son échelon, dans le grade et les fonctions qui sont les siens, de tous les hommes qui sont sous ses ordres. Cela est vrai du colonel au caporal. Cette responsabilité exige de chacun une attention permanente, un contrôle absolu des réflexes, un respect de l’adversaire sans lequel l’exercice de l’autorité est un abus ou une réalité vide de contenu. Dans ce domaine du commandement, toute faute sera passible des sanctions les plus graves. Messieurs, vous pouvez disposer. »

Hubert de SEGUINS PAZZIS ne voit pas d’issue militaire au conflit qui secoue l’Algérie. Il n’est pas dupe. Comme les lettres adressées à son épouse en témoignent, il souffre du virage pris par la guerre. Le 11 janvier 1959, il lui écrit : « J’ai trouvé chez LALANDE (5) sur les problèmes qui se posent ici des idées à peu près identiques aux miennes. Cela m’a fait du bien de parler enfin avec un militaire qui ne raisonne pas comme un soldat de plomb.» Il n’est pas naïf non plus car il a déjà rencontré la guerre subversive.

Le 30 mai 1959, à propos des suites d’une opération menée par l’armée, il confiera à son épouse : « Oui, j’espère comme vous que les prisonniers auront la vie sauve. Le fait que mon régiment traite honorablement ceux qu’il capture étonne beaucoup de gens, mais notre réputation commence à s’établir solidement.

Et je rencontre de plus en plus de gens qui, au lieu de nous traiter d’imbéciles nous tirent leur coup de chapeau.

Cela veut dire que lorsque l’on ne subit pas les idées dominantes mais qu’on cherche à imposer les siennes, on finit par remonter les courants. C’est une question d’acharnement et vous pouvez être certaine que sur ces sujets je ne suis pas influençable ou hésitant.

Le lieutenant Hubert de SEGUINS PAZZIS, sur le champ de course de Saumur, en 1938

Le  Capitaine de Seguins – Pazzis en 1944 (avec l’aimable autorisation de Mr. Edouard de Pazzis)

le Capitaine de Seguins-Pazzis en 1944 Photo prise en dans les Vosges en novembre 1944, prise par le lieutenant Jean Claude Servan-Schreiber qui servait alors dans son escadron et qui était un ami proche. Sur la photo ce dernier est entouré du Colonel de Beaufort et du commandant Romillois.

( avec l’aimable autorisation de Mr. Edouard de Pazzis )

Mme Margot de la Baume-Pazzis ( avec l’aimable autorisation de Mr. Edouard de Pazzis)

Marguerite de Renom de la Baume, cliche de H. de Pazzis, 2008

Le général Hubert de SEGUINS PAZZIS (à gauche) et le général BIGEARD

Les choix d’Hubert de SEGUINS PAZZIS n’empêcheront en rien le 8e RPC, devenu le 8e RPIMa (régiment parachutiste d’infanterie de marine), de porter sur le terrain de rudes coups à l’adversaire. Après son temps de commandement, il sera appelé comme chargé de mission au cabinet de Louis JOXE, ministre d’Etat en charge des affaires algériennes (1960-1062).A ce titre, il participera, en mars 1962, aux négociations d’Evian-les-Bains, avec les représentants du gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA). Ces accords stipulèrent la reconnaissance de l’indépendance algérienne, liée au cessez-le-feu, et arrêtèrent les conditions du référendum d’autodétermination en 1962.

On le trouve ensuite :

–  De 1962 à 1963, auditeur au Centre des hautes études militaires et à l’Institut des hautes études de la Défense nationale (IHEDN).

–  Commandant en second de l’Ecole supérieure de guerre (1963-1967) et promu, entre-temps général de brigade (1964),

– Commandant de la 11e division aéroportée (division d’intervention) à Pau (1967-1969),

–  Général de division (décembre 1968),

–  Commandant supérieur des forces françaises de l’Océan Indien à Madagascar (1969-1971),

–  Général de corps d’armée (1971),

–  Chef de la mission militaire française auprès du comité militaire du Conseil de l’OTAN (1971-1973),

–  Versé dans la deuxième section (cadre de réserve) en décembre 1974.

Avec son fils Edouard, il fut le co-auteur d’un livre sur SAVONAROLE, ce dominicain réformateur et mystique, qui tenta, au XVe siècle, de faire de Florence une théocratie (6).

Il épouse à Paris VIIe le 17 décembre 1956 (7) ; contrat de mariage du 1er décembre devant Me Etienne Corpechot, notaire à Paris,

Marie-Claire-Josèphe-Marcelle-Marguerite, surnommée Margot, RENOM de la BAUME, cofondatrice de la revue Femme pratique, membre de l’Institut Eva Ruchpaul (8), née à Champtocé-sur-Loire (Maine & Loire) le 31 juillet 1933, décédée à Moûtiers (Savoie) le 1er août 2008, inhumée auprès de son époux le 8 août, fille du comte Robert, ambassadeur de France, commandeur de la Légion d’honneur, croix de guerre 14-18, et d’Anne-Marie SAUZION.

les armoiries de la famille de SEGUINS PAZZIS et RENOM de la BAULE :

Descriptif de SEGUINS PAZZIS :Parti : au I, d’azur à une colombe huppée essorante d’argent, becquée et onglée de gueules, accompagnée de sept étoiles du même, 4 rangées en chef et 3 rangées en pointe (qui est SEGUINS) ; au II, d’azur, semé de croisettes recroisettées au pied fiché d’or, à deux bars adossés du même, crêtés et oreillés de gueules, brochant sur le tout (qui est PAZZIS).

Descriptif RENOM de la BAUME : De gueules au dextrochère ganté de fer, tenant un rameau d’olivier au dépourvu. Devise : Bon renom vole.

Ancienne bourgeoisie, originaire de Provence, issue d’Etienne RENOM, consul de Draguignan en 1623. Charles-Louis RENOM, né en 1755, fut avocat au Parlement et premier seigneur de la Baume, terroir de Tourtour (Var) en 1778. Edouard (1810-1890), officier de l’Ordre de la Reine Marguerite de Savoie, 1er comte de la Baume par bref du pape Pie IX, fut défenseur par la plume de la cause légitimiste et catholique, puis de la cause carliste. Il eut pour petit-fils, Robert RENOM de la BAUME qui est le père de Marguerite (voir plus haut).

auteur et source de l’article :  M. Henry de Pazzis

(1)    Baptisé en la Cathédrale de Nîmes le 11 mai.

(2)    Dans la sépulture de la famille de SEGUINS PAZZIS.

(3)    Extrait du bulletin n°20 -2004 de la Société d’histoire de Rixheim.

(4)    La notice sur l’action d’Hubert de SEGUINS-PAZZIS, pendant la pacification de l’Algérie, est extraite du magazine Histoire du Christianisme, n°6 de mars 2001.

(5)    Il était colonel à l’époque de Dien-Bien-Phu et commandait le centre de résistance Isabelle.

(6)    Savonarole dans la Collection Temps et Visages, Desclée de Brouwer, 1998.

(7)    Mariage religieux en l’église Saint-Louis-des-Invalides le 19 décembre.

(8)    Institut libre d’enseignement supérieur déclaré à l’Académie de Paris. Cours de yoga tous niveaux et formation professionnelle.