Célébration du centenaire de l’ouverture de la ligne du Yunnan (31 mars 1910)

De Histoire de Chine

Cet article est une contribution du Souvenir Français de Chine. → Visitez le site du Souvenir Français

rédigé par Michel Nivelle

Le 30 janvier 1910, le rail atteint le terminus de Yunnanfou : deux mois plus tard devançant d’une année les délais impartis, le chemin de fer qui unit la capitale du Yunnan au golfe du Tonkin était de bout en bout ouvert à l’exploitation.

Le 31 mars 1910 avait lieu à Yunnanfou l’inauguration solennelle. Au banquet offert par la Compagnie à ses invités dans la halle à machines décorée de verdure et pavoisée aux couleurs françaises et chinoises, des discours ont été prononcés. Ils donnent le résumé le plus précis et le plus vivant de l’œuvre qui vient d’être accomplie parce qu’ils dégagent à merveille l’importance de l’événement qui s’accomplissait ; parce que, enfin, ils contiennent de réciproques promesses fécondes dont il est précieux de garder le souvenir.

Reproduction du texte intégral du Discours de M. le Consul BOURGEOIS, délégué du ministère des Affaires étrangères prononcé à l’occasion de l’inauguration de la ligne le 31 mars 1910 :

Excellences, Messieurs,

Je tiens à m’acquitter d’abord de la très agréable mission qui m’a été donnée d’adresser à son Excellence le Vice-Roi les vœux et les compliments du Gouvernement français, de S.E. le Ministre de France à Pékin et de S.E. le Gouverneur général de l’Indochine.

L’œuvre que nous inaugurons aujourd’hui est due à la collaboration du travail français et de l’esprit de progrès du Gouvernement chinois qui en ouvrant le Yunnan à la voie ferrée, ont bien mérité la gratitude des populations yunnanaises. Isolées jusqu’à présent, par leur situation même, du mouvement économique qui fait tant d’honneur à la Chine moderne, ces populations vont désormais pouvoir s’associer à ce mouvement et trouver dans la voie ferrée les éléments d’une nouvelle prospérité.

Ainsi que l’écrivait récemment l’éminent représentant de la France à Pékin à S.A. le Prince King, en lui annonçant l’arrivée de la locomotive à Yunnanfou, nous devons attendre les meilleurs résultats de cette collaboration, bien faite pour consolider les bonnes relations qui unissent aujourd’hui la Chine et la France, l’Indochine et le Yunnan. La solidarité croissante des intérêts et l’estime réciproque sont les bases les plus solides des amitiés durables.

Messieurs,

Ce que nous célébrons aujourd’hui, ce n’est pas seulement l’heureux résultat de la bonne entente de deux gouvernements amis, ce n’est pas seulement le couronnement d’une œuvre en tous points remarquable, c’est un nouveau témoignage que, lorsque la France et ses enfants s’attaquent à une tâche, ils entendent la mener à bonne fin, quelles que soient les difficultés qu’ils rencontrent, et vous savez, Messieurs, si les difficultés ont manqué à notre audacieuse entreprise ! Au risque de donner au discours que je suis appelé à prononcer aujourd’hui au nom du Gouvernement français, une vague allure de palmarès, j’ai le très agréable devoir de rendre hommage à tous ceux, absents ou présents, qui ont été les bons ouvriers du chemin de fer du Yunnan.

Messieurs,

Depuis le jour où les deux pays ont jugé que le moment était venu de jeter un pont entre l’Indochine et le Yunnan, n’ayant ainsi en vue que le seul développement des relations amicales et économiques des deux pays, combien d’hommes de haute valeur n’ont-ils pas travaillé à réaliser ce pacifique programme ? Quelle somme formidable de travail n’a-t-elle pas été donnée ; aussi bien à Paris, rue Pillet-Will, sous l’active, intelligente, et quand il l’a fallu, énergique impulsion de l’éminent Directeur général de la Compagnie, mon ami, M. Getten, et boulevard de la Madeleine qui nous a envoyé ses meilleurs techniciens, – qu’à Hanoï, au Gouvernement général, dans les bureaux de la Direction générale des Travaux publics et au siège de la Compagnie,– enfin à Mongtzé et sur les 470 kilomètres qui séparent Laokay de Yunnanfou ! Administrateurs, financiers, ingénieurs, employés, je ne puis que saluer ici les collaborateurs de tous ordres et à tous les degrés de ces hommes tenaces et énergiques qui, durant tant d’années, ont travaillé à plier la nature aux règles de la science et aux besoins du progrès pour que nous puissions dire aujourd’hui : il n’y a plus de Namti !

Mais il ne serait pas juste que les auteurs de cette œuvre remarquable fussent récompensés seulement par de platoniques admirations : aussi est-ce avec un sentiment de satisfaction profonde que j’ai entendu tout à l’heure une voix particulièrement autorisée nous dire que les débuts du chemin de fer sont des plus encourageants ; que, avant même l’ouverture de la ligne à l’exploitation, des résultats excellents sont obtenus au point de vue trafic. Je n’en suis aucunement surpris car j’ai toujours considéré que cette belle œuvre à laquelle nous sommes attachés, serait aussi une bonne affaire, pour le plus grand bien de l’Indochine et du Yunnan.

Excellences, Messieurs,

Il entre plus particulièrement dans mes attributions de rendre hommage au concours prêté par les Hautes Autorités Provinciales, à mes éminents prédécesseurs et à moi-même dans l’accomplissement de notre devoir. Certes, notre tâche commune n’a pas toujours été facile et S.E. le Kiao Seu mon ami M. Che savent que nous avons été plus d’une fois perplexes en présence de certains problèmes, mais notre désir commun de nous rencontrer sur le terrain de la justice et de l’intérêt général, nous a toujours amenés à la solution élégante diraient les polytechniciens ici présents, des questions qui se posaient pour la diplomatie chinoise.

Je tiens donc à remercier ici de leur concours, les éminents Vice-Rois avec lesquels j’ai été appelé à traiter les affaires. S.E. Li, S.E. Si, le Vice-Roi intérimaire Chen, ainsi que leurs sages collaborateurs aux Relations Internationales, S.E. Che Tseng et S.E. Kao.

Messieurs,

Mon agréable devoir étant accompli, permettez-moi, pour terminer, de franchir par la pensée, les chaines de montagnes qui nous entourent, d’embrasser d’un coup d’œil la distance qui sépare la capitale du Yunnan de celle de l’Indochine et d’élargir ainsi la solennité qui nous rassemble pour en faire la fête du labeur industriel et commercial. Messieurs, je vous prie de boire avec moi à la Compagnie du Chemin de fer et à la Société de Construction, car elles représentent à elles deux le Commerce et l’Industrie, grands rapprocheurs de peuples pour le bien de l’humanité.

Je vous convie également à lever votre verre en l’honneur de la Chine, de S.E. le Vice-Roi et de ses éminents collaborateurs sans le concours desquels nous n’eussions pas été appelés à célébrer en ce jour cette fête pacifique.

C’était il y a plus de cent ans.