Paris – Le Souvenir Francais de Chine présent à la cérémonie du souvenir au Lycée Henri IV le 12 novembre

Discours prononcé par M. Patrice CORRE, Proviseur du Lycée Henri-IV à l’occasion de la cérémonie du souvenir organisée dans la Cour d’Honneur du Lycée, le 12novembre 2010.

Madame le Maire adjoint chargée de la mémoire, représentant Monsieur le Maire de Paris,

Madame le Maire adjoint de Paris,

Monsieur le Maire adjoint représentant Monsieur le Maire du Vème arrondissement,

Mesdames, Messieurs les élus,

Monsieur le Président National du Souvenir Français,

Mesdames et Messieurs les présidents ou représentants d’associations

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,

Ce soir, nous voila tous réunis devant de monument de notre lycée pour rendre un hommage solennel à tous les élèves, anciens élèves et professeurs de notre établissement « Morts pour la France »

Et si nous avons pris, avec le concours du Souvenir Français et de son Président le Général DELBAUFFE, l’initiative de renouer, depuis trois ans, avec la tradition de cette cérémonie, c’est pour accomplir non seulement un acte de mémoire, mais aussi pour nourrir notre recueillement d’une réflexion sur les périodes historiques particulièrement troublées qu’ont vécu ceux qui nous précédés ici même. Et cela en ayant bien présent à l’esprit que la paix même si elle peut s’étendre sur une longue période, comme c’est le cas en Europe occidentale depuis 75 ans, pourrait n’être finalement, comme l’a écrit Jean GIRAUDOUX, que le simple « intervalle entre deux guerres ». Une vision bien pessimiste du monde qui ne doit pourtant pas nous dispenser de rêver, comme le philosophe Emmanuel Kant, à l’aube « d’une paix perpétuelle ».

Et, au sein de tout établissement d’enseignement, toute commémoration trouve le lieu le plus propice pour prendre sa pleine dimension. Car, aux jeunes qui nous sont confiés si nous devons bien évidemment faire acquérir les connaissances les préparant au mieux à décrocher les diplômes qui leur permettront de trouver leur place sur un marché du travail difficile, vis-à-vis d’eux, notre devoir est aussi, et sans doute plus encore, de leur transmettre une solide culture humaniste les préparant à devenir des citoyens responsables pleinement conscients de l’intangibilité des valeurs fondatrices de notre république qui s’est donnée cette devise figurant au fronton de toutes les écoles comme de tous nos bâtiments publics « liberté, égalité, fraternité ».

Une devise et un régime qui semblent faire tellement consensus que nous en oublierions aisément aujourd’hui que l’une et l’autre furent brutalement supprimés par ceux qui, sous la conduite du Maréchal Pétain, instituèrent l’Etat Français avec sa fameuse trilogie « Travail, Famille, Patrie ». Un acte qui reçut le 10 juillet 1940 l’approbation fortement majoritaire du Parlement où s’exprima toutefois l’opposition de quatre vingt dix élus courageux dont les noms ont été gravés depuis dans le marbre du hall de l’Opéra de Vichy.

Jeunes filles, jeunes gens qui êtes ce soir présents, représentants tous vos camardes de notre établissement, cette référence historique prend des accents particuliers aujourd’hui. Car, même si la commémoration du 11 novembre fut instituée en souvenir de la fin de la terrible Grande Guerre, si elle est dédiée depuis bien des années à tous ceux qui payèrent du  sacrifice de leur sang leur engagement au service du projet commun de vie et de culture que constitue notre pays, elle marque, en cette année 2010, le soixante dixième anniversaire de la grande manifestation des lycéens et étudiants du 11 novembre 1940.

Rappelons-en succinctement le déroulement et l’issue.

Depuis la débâcle du printemps conclue par l’armistice, notre pays était tombé sous le joug de la terrible dictature nazie. Et, si certains, tels le Général de Gaulle ou Jean Moulin n’avaient pas cédé au découragement, peu nombreux furent ceux qui osèrent tout de suite exprimer leur refus de la défaite.

Mais si la confiance fut très majoritairement accordée au Maréchal Pétain, ses actes du mois d’octobre 1940 – le statut des juifs du 3 octobre et le lancement de la collaboration avec Hitler le 24 octobre à Montoire- contribuèrent à créer le doute parmi les français les Moins mal informés.

C’est dans ce contexte que, faisant circuler sous le manteau un mot d’ordre risqué, plusieurs milliers de jeunes étudiants ou lycéens de Paris se mirent hors la loi en défilant sur les Champs Elysées pour se rendre devant la flamme du tombeau du soldat inconnu. L’effet de surprise passé, les forces de l’ordre ennemies intervinrent sans ménagement procédant à de nombreuses arrestations. De nombreux étudiants furent emprisonnés. Certains y laissèrent leur vie. On compte plusieurs disparus.

Cette action fut plus qu’un acte symbolique. Elle était l’expression d’une volonté de résistance qui se prolongea par la naissance de groupes tels que les Volontaires de la Liberté.

Ce 11 novembre 1940, ces jeunes se sont « engagés’ ». C’est-à-dire qu’ils ont donné des gages. Ils n’ont pas mis en jeu leurs biens mais ce qu’ils avaient de plus précieux, c’est à dire leurs personnes

Qu’aurions-nous fait à leur place ? C’est une interrogation que nous pouvons tous avoir.

De leur part était-ce de la bravade ou de la bravoure ? Sans doute des deux. Des parts mêlées d’inconscience et de conscience. Mais sans doute plus de l’une que de l’autre

Car, l’importance des risques qu’ils ont pris confirmés par les suites douloureuses que nombre d’entre eux ont subi, montrent bien qu’ils avaient déjà conscience que, comme l’a bien exprimé, Bertold BRECHT « Celui qui combat peut perdre mais celui qui ne combat pas a déjà perdu »

Ils ont mis en application ce propos de CLEMENCEAU qui affirmait : « Il faut savoir ce que l’on veut. Quand on le sait il faut avoir le courage de le dire ; quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire »

Ainsi peut-on dire que par leur acte collectif du 11 novembre 1940 tous ces jeunes ont démontré avec force et éclat comme l’a si bien dit Victor HUGO dans Les Châtiments que « Ceux qui vivent sont ceux qui luttent ».