Le memorial de Frejus

Morts de la guerre d’Indochine (1940-1955)

45.000 Indochinois (dont 27.500 dans l’armée française et 17.500 servant sous drapeau national le jour de leur mort) : 15.200 Africains et Nord-Africains, 11.600 Légionnaires, 29.000 Français. Soit un total de 100.800 morts.

Q.1 – Qu’appelle-t-on mémorial de Fréjus ?
R.1 – Initialement, c’était le monument élevé par souscription nationale en 1983, sur le bord de la route nationale n°7 au nord-est de Fréjus, près de la pagode indochinoise. Maintenant c’est tout un ensemble architectural.

Q.2 – De quoi se compose cet ensemble architectural ?
R.2/1 – Le mémorial de Fréjus comprend quatre édifices :
– le monument de 1983, qui domine la porte d’entrée,
– une salle d’information de cent mètres carrés, qui évoque pour le visiteur ce qu’était l’Indochine française, ce que furent les combats de 1940 à 1954, c’est à dire pourquoi et comment 80.000 jeunes gens ont fait le sacrifice de leur vie en Extrême-Orient sous le drapeau français et 20.000 autres sous leurs drapeaux nationaux,
– une nécropole en forme de columbarium, contenant 20.402 corps de militaires et civils morts pour la France et, à titre exceptionnel, 3.618 corps de civils non titulaires de la mention « mort pour la France », venant tous du Viêtnam,
– un mur de 64 mètres de longueur, sur lequel sont gravés les noms des 34.000 morts absents de Fréjus.

R.2/2 – De nombreux anciens combattants avaient souhaité qu’à leur décès leurs cendres soient dispersées sur la terre vietnamienne. Devant l’impossibilité de satisfaire une telle demande, il a été créé, près du mur, un « Jardin du Souvenir » dans lequel la plaque suivante a été placée :

Ainsi, les anciens combattants, qui en auraient exprimé la volonté, pourraient-ils « reposer » auprès de leurs camarades morts au combat en Extrême-Orient. La dispersion des cendres est néanmoins soumise à autorisation dont les modalités doivent être fixées par la D.M.P.A. en liaison avec la direction inter-régionale des anciens combattants de Marseille.

Q.3 – Y-a-t-il d’autres cimetières militaires à Fréjus ?
R.3 – A quelques kilomètres de la nécropole, sur le bord de la route départementale n°4 au nord de Fréjus, près du Musée des Troupes de Marine, le cimetière militaire de la Lègue a reçu 3.165 corps de militaires non titulaires de la mention « mort pour la France », venant du Viêtnam.

Q.4 – Qui a droit à la mention « mort pour la France » ?
R.4 – Définie par la loi du 2 juillet 1915 avec effet rétroactif du 2 août 1914, cette mention est accordée par le Ministère de la Défense Nationale ou celui des Anciens Combattants, sur la demande justifiée du commandement militaire ou des ayants cause.

Q.5 – De véritables morts pour la Patrie pourraient-ils ne pas être reconnus comme « morts pour la France » ?
R.5 – Théoriquement oui, si après leur décès personne n’a demandé l’attribution de cette mention. Ce cas est peu vraisemblable en Métropole, en raison des avantages attachés à la mention.

Q.6 – Tous les morts pour la France en Indochine ont-ils été rapatriés en 1986-1987 ?
R.6/1 – 12.000 sont revenus plus tôt. Après chaque mort au combat ou à l’hôpital, le commandement militaire demandait à la famille si elle désirait que le corps lui soit restitué. Le retour était assuré aux frais de l’État dans l’année qui suivait le décès (parfois dans les années qui ont suivi l’armistice) ; le mort était alors enterré dans le caveau familial. En ce qui concerne le Viêtnam, 200 familles environ ont refusé ce rapatriement, pensant que leur fils serait heureux de demeurer parmi la population qu’il avait protégée.

R.6/2 – D’autres ne reviendront jamais. Ceux qui ont été enlevés par les Japonais ou par les Viêt Minh et que personne n’a jamais revus. Ceux dont il n’a subsisté aucun reste identifiable à la suite d’une explosion ou d’un incendie. Ceux dont les corps mis en pleine terre n’ont pas été retrouvés parce que l’armée française n’est pas revenue sur les lieux avant que la nature tropicale ait fait son oeuvre. Ceux qui ont été inhumés dans un cimetière et dont la tombe a été bouleversée par les combats ou les bombardements ultérieurs.

Q.7 – Pourquoi la France a-t-elle laissé trente-deux ans ces 26.000 morts au Viêtnam ? Inversement, pourquoi les a-t-on transférés à Fréjus alors qu’à 200 exceptions près ils n’ont pas de famille en France ?
R.7/1 – En principe, les morts pour la Patrie qui n’ont pas été rendus à leur famille sont enterrés sur le champ de bataille (tradition britannique) ou dans la région des combats, après regroupement (tradition française). C’est pourquoi, outre les 262 nécropoles situées sur son territoire, la France entretient 235 cimetières militaires dans 58 pays étrangers et respecte sur son sol les cimetières de ses alliés et de ses adversaires. Ainsi ont été regroupés en Indochine les soldats de l’Union Française, indochinois compris, non réclamés par leur famille.

R.7/2 – Vers 1980 les autorités communistes viêtnamiennes ont exprimé leur volonté d’extirper toute présence française de leur sol. Le cimetière de la rue de Massiges à Saïgon, les sépultures des religieux groupées autour du tombeau de l’évêque d’Adran, les cimetières de Tan Son Nhut et du Cap Saint Jacques ont été promis à la destruction. La nécropole de Ba Huyên était abandonnée à la dégradation. Pour l’honneur de la France, en 1983, le gouvernement a décidé de rapatrier les morts. Les problèmes techniques et financiers ont fait l’objet de négociations, qui ont abouti à l’accord franco-viêtnamien du 1er août 1986 et aux transferts de 1986 et 1987.

Q.8 – Comment avaient été regroupés les soldats de l’Union Française non réclamés par leur famille ?
R.8 – L’armistice de Genève avait prévu le regroupement des morts pour la France dans certains cimetières du Viêtnam. De 1954 à 1956 l’armée française s’acquitta cette tâche. Au sud du 17ème parallèle elle rassembla sans difficulté tous les morts pour la France dans un grand cimetière neuf à Tan Son Nhut et les autres morts français dans les cimetières provinciaux prévus. Mais au nord du 17ème parallèle il apparut vite que les autorités communistes ne supportaient pas la présence de tombes françaises dans les villes. En 1960 l’armée populaire entreprit l’évacuation des cercueils français de tous les cimetières (en commençant par Hanoï) et leur transfert à Ba Huyên, dans une « plaine des tombeaux » enserrée de collines. La France envisagea d’y construire un columbarium, mais elle dut y renoncer car les autorités communistes limitaient la hauteur de l’édifice à un mètre (pour qu’il ne soit pas vu de loin) et exigeaient que les morts viêtnamiens de l’armée française soient maintenus à l’extérieur du monument.

Q.9 – Les différents transferts de sépultures à l’intérieur du Viêtnam puis à Fréjus ont-ils permis des restitutions supplémentaires de cercueils aux familles ?
R.9 – Oui, pour deux motifs. D’une part, des parents qui avaient choisi de laisser leur fils reposer parmi la population qu’il avait aimée ont révisé leur jugement en apprenant son transfert. (50 familles cependant ont choisi de ne pas séparer leur frère de ses camarades à Fréjus). D’autre part, l’armistice a permis à la délégation française de retrouver, au nord du Tonkin, certaines tombes en bon état de militaires réclamés par leur famille après l’évacuation précipitée de la région. De 1966 à 1976 près de 800 cercueils ont été dirigés sur la France. A leur arrivée à Marseille ils ont été déposés au cimetière, tout proche, de Luynes en attente d’un contact avec les répondants. Une centaine de familles demanderesses ayant disparu, leurs morts ont été transférés à Fréjus en 1990.

Q.10 – La présente étude semble consacrée aux morts pour la France au Viêtnam. Qu’en est-il de ceux du Cambodge et du Laos ?
R.10 – Ils sont presque tous concernés. La plupart des morts pour la France au Cambodge et au Sud-Laos, en effet, ont été réinhumés par l’armée française au cimetière de Tan Son Nhut en 1955. Seuls sont restés en place les cimetières de Phnom Penh (296 corps) et de Vientiane (552 corps), initialement entretenus par les représentations diplomatiques puis bouleversés après 1975.

On peut consulter le site www.memorial-indochine.org afin de rechercher un parent, ami ou camarade mort ou disparu en Indochine.

SOURCES : ASSOCIATION NATIONALE DES ANCIENS ET AMIS DE L’INDOCHINE ET DU SOUVENIR INDOCHINOIS.  http://www.anai-asso.org