Laos – Plaque commémorative : Le naufrage du Trentinian à Thakhek en 1928


Le TRENTINIAN vers 1897 peut être à l’apontement de Nong Seng si l’on en juge d’après le profil des montagnes sur l’autre rive…

4 février 1928 : Dépêche télégraphique à Madame Bartholoni 19 Ave. Hoche, Paris :

Résident Supérieur Laos m’informe que vapeur Postam (Trentinian) parti ce matin six heures de Nongsen point d’escale sur rive Siamoise à 5 km en amont de Thakhek a coulé suite explosion essence. Ai profond regret vous faire part décès MM. Tafforin, chef service enseignement Laos, Yonnet, adjoint technique principal, Bartholoni, directeur société mines étain Nampatène qui se rendaient Vientiane et de nombreux indigènes. Capitaine bateau transporté hôpital Thakhek ayant jambe fracturée.

9 février 1928 : Radio Saïgon :

Tafforin Pierre; Yonnet Julien; Bartholoni René (ancien député de la Haute-Savoie) et 40 indigènes décédés. Capitaine Quilichini Ange amputé d’une jambe…explosion subite d’une cargaison d’essence arrimée à bord…Quilichini est mort à l’hôpital des suites de sa blessure…le corps de M. Bartholoni n’a pas encore été retrouvé.

Le passage délicat de la chaloupe Trentinian, avant sa mise en service, sur la voie ferrée de l’île de Khône.

Rapport de J. Bosc au Résident Supérieur du Laos :

…prend la “Massié”…j’arrivais à Nong Seng, sur les lieux de la catastrophe, le lendemain samedi vers six heures du soir…Nong Seng se trouve sur la rive siamoise, à 6 km en amont de Thakhek; c’est le siège de l’Evêché Catholique du Laos…L’explosion du “Trentignan” a eu lieu en effet à l’appontement de Nong Seng situé à 50 m environ de l’Evêché; elle produisit une détonation formidable qui fut entendue à plus de trente kilomètres, à Hinboun…il était six heures du matin. Le plus grand nombre de passagers étaient endormis…s’étaient embarqués la veille à Thakhek. Le bateau quittait Thakhek le lendemain 4 février, vers 5 heures un quart, faisait escale à Lakhone (Siam), puis continuait sa route sur Nong Seng où il s’arrêta pour prendre le courrier et embarquer du fret. C’est au moment précis où le “Trentinian” démarrait pour poursuivre sa route sur Vientiane que la catastrophe survint, foudroyante, détruisant l’avant du navire et provoquant un incendie général qui dura vingt minutes environ jusqu’à l’instant où, envahi par l’eau, le bateau s’enfonça doucement jusqu’au fond, ne laissant émerger que la cheminée et le toit de la paillote du spardeck arrière…une partie de la cargaison d’essence avait été embarquée à Savannakhet, une autre partie à Thakhek…exploitation minière du “Nam-phatene” dans la région de Hinboun, qui a pris, au cours de ces dernières années, un développement considérable…Le capitaine Quilichini que j’avais vu la veille à l’hôpital dans un état alarmant, succombait le six février à 10 heures du matin au milieu d’atroces souffrances. Le médecin avait du l’amputer du pied droit et lui enlever plusieurs doigts aux deux mains. Son corps a été transporté à Savannakhet sur la demande de Madame Quilichini qui habite cette localité. Le courrier et les colis postaux sont perdus…

Samedi 26 mai 1928 : Dalat

La Chaloupe “Trentinian” renflouée. Corps de M. Bartholoni retrouvé et identifié.

P-V de la commission de surveillance des bateaux à vapeur :

…une quantité de matières dangereuses bien supérieure à celle autorisée, était à bord au moment de l’accident. La commission fait remarquer que la réglementation en vigueur au Laos au moment de l’accident fixait à 3000 kg le maximum de matières dangereuses. Or il est constaté un dépassement de 2000 kg environ rien que sur les essences, ce qui constitue une infraction très grave aux règlements. Enfin le dépôt dans une cale close d’une tonne d’alcool à 90° et de carbure constitue d’autre part une très grave imprudence. Le dégagement de gaz acétylène provoqué par mouillage accidentel (eau à fond de cale non pompée pendant la nuit, fuite conduite d’eau) ainsi qu’un dégagement de vapeur d’alcool peuvent former des mélanges détonants et provoquer des effets destructifs considérables.

La Compagnie Saïgonnaise de Navigation et de Transports

…fixait à 100 le nombre de passagers qui pouvaient être embarqués…présent à bord au moment de l’explosion 145 passagers non compris les membres d’équipage…”Le Colombert” a quitté Thakhek le 9 avril 1928 avec 148 passagers annamites, 2 chinois, 3 boy laotiens et 2 Européens pour le nord soit au total 155 passagers, qu’il est affligeant de constater en passant que les tragiques événements du 4 février 1928 n’ont pas servi de leçon.

Avez vous remarqué le « stupa » à gauche de l’entrée du poste d’immigration à Thakhek ? Approchez vous pour lire les plaques de part et d’autre de l’édifice : c’est en fait une stèle à la mémoire des victimes du naufrage.

Vous êtes étonné de lire plus haut :…Nong Seng se trouve sur la rive siamoise, à 6 km en amont de Thakhek; c’est le siège de l’Evêché Catholique du Laos… ?

Nong Seng est maintenant un faubourg au nord de Nakhon Phanom qui s’appelait à l’époque « Lakhon ». Il y a encore une grande église et une école catholique et, derrière l’église, un cimetière où l’on retrouve les noms des premiers curés des Missions Etrangères de Paris : notamment Constant Prodhomme (1849 – 1920) et Xavier Guégo (1855 – 1918) qui, dès 1881 créèrent un centre d’évangélisation à Lakhon puis en 1886 sur l’île de don Dône juste en amont sur le Mékong (île passée au Laos en 1893 lorsque le Mékong devient frontière). C’est en 1896, qu’on a fait de Nong Seng le siège de la Mission apostolique du Laos car à cette époque le Mékong n’était encore qu’une frontière nouvellement créée et l’appellation « Evêché Catholique du Laos » ou « Mission apostolique du Laos » semble avoir perdurée encore longtemps.

M. Bartholoni René, ancien député de la Haute-Savoie qui a péri dans le naufrage, était directeur de la société des mines d’étain de Nam Patène, mines encore en exploitation par une société de la Corée du nord qui n’a guère investi depuis que les colonisateurs ont quitté le pays ! (Nous) Pour s’en convaincre, il suffit de quitter Thakhek par la route de Vientiane et tourner à droite après 45 km en direction de Phon Tiou : suivre la ligne 22 kV qui vous conduira a ce qui reste du village colonial avec les maisons des employés, des cadres et… l’église du village (ou ce qu’il en reste). Vous pourrez voir un vieux camion « Unic » et ce qui reste de l’usine avec ses moteurs et ses pompes d’époque, tous matériels français.

Le matériel de l’usine pour fournir l’énergie a quand à lui disparu probablement quand elle a été reliée au réseau EDL.


Les ruines de l’église du village de Phon Tiou en février 2005. Il y a dans l’église une autre plaque à la mémoire de René Bartholoni.

Sources : le blog de Francois.fer-air

http://fer-air.over-blog.com